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De la revueAsyl 2/2021 | p. 3–3La page suivante est la3

La Convention de Genève : plus importante que jamais !

Outre la mort et la destruction, la Seconde Guerre mondiale a laissé derrière elle des millions de personnes déplacées. Des milliers de personnes cherchant une protection ont également été refoulées aux frontières nationales pendant la guerre et renvoyées vers la mort. La communauté internationale n’a pas réussi à protéger ces personnes. C’est ainsi qu’est né le désir que de telles choses ne se reproduisent plus et que les réfugiés aient un droit international à la protection.

Le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale a donc eu une forte influence sur la création de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Mais aujourd’hui encore, 70 ans plus tard, elle reste l’instrument le plus important de la protection internationale des réfugiés et a été ratifiée par 146 États. Grâce à elle, nous disposons d’un consensus de base sur qui a qualité de réfugié et quelles sont les obligations des États à l’égard des réfugiés.

Le principe de non-refoulement est au cœur de la protection des réfugiés. Aucun réfugié ne peut être renvoyé dans un État où sa vie ou sa liberté serait mise en danger. Ce principe – en ce qui concerne la torture et les traitements inhumains et cruels – est désormais considéré comme faisant partie du droit international impératif et a été intégré dans divers autres traités internationaux, tels que la Convention européenne des droits de l’homme. Aujourd’hui, nous comptons une multitude de conflits armés et près de 80 millions de personnes déplacées, dont quelque 26 millions de réfugiés reconnus – un triste record ! Le HCR parle d’une « décennie de déplacements ». La Convention de Genève relative au statut des réfugiés reste donc nécessaire et urgente, elle est même plus importante que jamais. Nous ne devons donc en aucun cas relâcher notre engagement à son égard !

En même temps, elle ne peut évidemment pas nous fournir toutes les réponses. L’un des plus grands défis politiques de notre époque est la répartition équitable des responsabilités entre les États d’accueil. La grande majorité des réfugiés et des personnes déplacées se trouvent en fait dans des pays économiquement moins développés, où il y a souvent des pénuries alimentaires aiguës et qui sont également gravement touchés par l’avancée du changement climatique. Il existe désormais un risque réel que les conflits existants soient encore exacerbés par les effets du changement climatique et de la pandémie mondiale, ce qui alimentera encore davantage les déplacements à l’échelle globale.

Même si elle a été épargnée par les actes de guerre directs, la Suisse, dans l’immédiate après-guerre, a également été marquée par le traumatisme de la guerre et s’est engagée à améliorer la protection des réfugiés. La Suisse a ratifié la Convention relative au statut des réfugiés en 1955 et s’engage encore aujourd’hui activement en faveur de la protection des réfugiés. L’octroi de l’asile et le principe de non-refoulement sont inscrits dans la Constitution fédérale et le système d’asile suisse s’est constamment développé sur la base de la Convention relative au statut des réfugiés. Une véritable loi sur l’asile existe depuis 1979, mais par rapport à aujourd’hui, il s’agissait d’un décret plutôt rudimentaire. En 1985, l’asile est séparé de l’Office fédéral de la police avec la création du Délégué aux réfugiés. Cela a également marqué le début d’une professionnalisation croissante, qui a conduit à la création de l’actuel Secrétariat d’État aux migrations. Une procédure d’instruction avec audition personnelle a remplacé les décisions sur dossier. Une autre étape importante a été la création de la Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA) en 1992, qui a joué un rôle décisif dans l’élaboration de la pratique de l’asile et a largement contribué à l’équité des procédures d’asile et donc à une meilleure protection des réfugiés. En 2007, elle a été intégrée au Tribunal administratif fédéral. Depuis l’introduction des procédures accélérées en mars 2019, les demandeurs d’asile dans les centres fédéraux se voient désigner une représentation juridique gratuite dès le début de la procédure. Il s’agit d’un facteur clé de succès pour la procédure d’asile restructurée, qui garantit que les procédures peuvent être menées rapidement et équitablement. Une telle protection juridique financée par l’État aurait été impensable il y a quelques années encore. En outre, au cours des vingt dernières années, la Confédération et les cantons n’ont cessé d’intensifier leurs efforts pour intégrer les réfugiés et les personnes admises à titre provisoire, la dernière fois en 2018 avec l’introduction de l’agenda d’intégration. Il s’agit également d’une étape très importante. Le succès de notre système d’asile dépend également de notre capacité à intégrer dans notre société les personnes qui ont obtenu la protection en Suisse.

La Suisse participe aussi à la réinstallation des réfugiés reconnus et entretient une coopération très étroite avec le HCR, dont elle accueille le siège. Elle s’engage également à renforcer la protection des réfugiés à l’étranger, par exemple dans la Corne de l’Afrique, en Afrique du Nord ou au Moyen-Orient, mais aussi en Grèce. Une politique des réfugiés réussie et durable doit aujourd’hui couvrir non seulement le niveau national, mais aussi le niveau européen et mondial, sinon elle est vouée à l’échec.

Je suis fier d’avoir pu contribuer à la mise en œuvre de la Convention de Genève relative aux réfugiés dans ma vie professionnelle. Lorsque j’ai commencé à travailler comme l’un des premiers « avocats de l’asile » au bureau de conseil juridique pour demandeurs d’asile de Berne en mai 1985, la procédure d’asile suisse en était à ses débuts. Une multitude de questions juridiques fondamentales se posaient et un esprit d’optimisme régnait.

L’examen critique de la pratique officielle s’est fait, entre autres, par le biais d’essais scientifiques dans la revue ASYL, que j’ai cofondée en 1986 et dont vous avez entre les mains le plus récent numéro. Aujourd’hui, peu avant la fin de mon mandat de secrétaire d’État au SEM, je me remémore avec beaucoup de gratitude une période riche en événements et en émotions. Je souhaite à toutes les personnes « actives » et engagées de continuer à faire preuve de force, d’empathie et de persévérance ! Leur engagement en faveur des réfugiés et de la Convention relative au statut des réfugiés est plus important que jamais.